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Aurélie MOY

L'art de faire rimer transition et procrastination




L’État a inscrit l’objectif « zéro artificialisation nette » des sols. Pourquoi continue-t-on à construire sur des zones naturelles ?

Je rappelle que dans « transition écologique » il y a « transition ». Qu’entend-on exactement par « zéro artificialisation » ? Ça veut dire qu’on ne peut plus construire à Plœuc ou au Bodéo ? Que des communes ont pu se développer précédemment, avoir de la population et donc des dotations, et que d’autres sont condamnées ad vitam æternam à ne rien avoir ? Je préfère avoir une vision globale. Il faut penser les différents schémas au niveau du périmètre de l’Agglo. Je demande que le législateur vote une modification de la loi SRU pour qu’elle s’applique à l’échelle de l’Agglo. Aujourd’hui, on empile toutes les contraintes, les lois, les dispositifs… et on ne fait pas le ménage en dessous !"


Alors qu’on lui demandait il y a quelques semaines pourquoi l’agglomération continuait à construire sur des zones naturelles alors que l’État a inscrit l’objectif “zéro artificialisation nette” des sols, M. Kerdraon, président de l’agglomération, a répondu : “Je rappelle que dans “transition écologique”, il y a “transition””.


Le mot “transition” peut-il nous laisser penser que nous avons le temps ? Qu’il est possible de se comporter comme des mauvais élèves qui attendraient la veille de la date butoir de l’examen pour commencer à lire les consignes ? Ou comme des ados qui chercheraient à profiter jusqu’à la dernière goutte (de béton, en l’occurrence), tant que c’est encore permis, ou du moins que ce n’est pas encore complètement interdit.


C’est à croire que la politique actuelle attend d’être au pied du mur réglementaire pour agir, laissant le soin à d’autres d’être les visionnaires qui embrassent pleinement et dès la première heure les signaux faibles de la société.


Certes, les réponses à la crise écologique s’inscrivent dans le temps long. Mais les objectifs fixés à horizon 30 ans doivent donner le cap dès aujourd’hui. Ils doivent être saisis comme une opportunité d’imaginer et d’expérimenter dès maintenant de nouvelles manières de faire, compatibles avec les limites planétaires et le monde dans lequel on souhaite vivre en 2050. Ils doivent être entendus comme une invitation à expérimenter d’autres modèles de développement qui seront devenus dans 30 ans la norme adoptée par tous.


Si les textes structurant la transition écologique en France fixent un objectif à 30 ans, ce n’est pas pour laisser le temps aux communes “moins développées” d’atteindre le même niveau de déficit écologique que celles qui les ont précédées.


Mener une transition écologique sur 30 ans ne signifie pas continuer à faire la même chose pendant 25 ans et laisser 5 ans aux futures générations d’hommes et de femmes politiques le devoir d’imaginer, en 2045, ce que “zéro artificialisation nette” voudra dire. Pourquoi continuer à se développer en grignotant sur nos précieuses zones naturelles, alors que l’on sait pertinemment que cela va à l’encontre du sens de l’histoire ? Achèvement de la rocade sud, extension de la friche industrielle des Châtelets à Ploufragan, Lidl, station d’hydrogène vert et usine d’eau potable aux Plaines Villes… les exemples sont nombreux.


La carotte du changement doit être plus désirable que le bâton législatif, parce que sur un sujet comme celui-là, on ne peut pas faire marcher la montre.


Alors peut-être que le mot est trompeur, mais en réalité nous n’avons pas le temps. Cessons de procrastiner, c’est maintenant qu’il faut changer !

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